Le Château Du Clown by Guy des Cars

Auteur:Guy des Cars [Guy des Cars]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romance
Éditeur: Fait maison
Publié: 1982-01-05T23:00:00+00:00

— Comment s’est passé la deuxième représentation qui a eu lieu le soir même ?

— Encore mieux que la première parce que j’avais un peu moins le trac… Je dis « un peu moins » car je l’ai eu durant toute ma vie de clown ! Même si je devais refaire mon numéro là, dans le parc et pour toi tout seul, je crois que je l’aurais…

— Un fantôme a le trac ?

— Comme un vivant, il a peur de déplaire ! Ceux qui ne connaissent pas cette peur exaltante ne sont pas de vrais artistes ! Pour cette deuxième représentation, le prince était assis à côté du peintre qui continua à prendre des croquis pendant tout notre numéro.

— Et quand Carla t’a donné un baiser sur la joue alors que tu venais de lui offrir le bouquet du prince, comment lui as-tu répondu cette fois ?

— Tu vas me prendre pour un lâche ou pour un timoré… Eh bien, je l’avoue : je n’ai même pas osé l’embrasser et ensuite il en a été de même tous les soirs ! C’est très difficile, quand on est sincèrement amoureux, d’embrasser devant les autres celle qui est devenue tout pour vous… Une sorte de pudeur vous retient et vous interdit de vous exhiber. On veut garder son secret pour soi tout seul.

— Skirnof est resté à Hambourg pendant toute la durée des représentations ?

— Le peintre était reparti mais lui n’en a pas manqué une ! Ce n’est qu’à l’issue de la dernière qu’il m’a dit au revoir en précisant qu’il était dans l’obligation de retourner pour quelque temps à Petrograd mais qu’il était persuadé que lorsqu’il nous retrouverait trois mois plus tard, notre numéro serait la perfection.

— L’annonce de ce départ a dû te combler d’aise ?

— J’avais le champ libre…

— Et Carla ? Elle paraissait attristée à la pensée de cette absence ?

— Pas tellement ! Pendant les premières semaines qui suivirent, la tournée nous emmena dans une multitude de petites villes. Toutes les nuits nous étions sur les routes et le jour, dès que le chapiteau était planté, nous répétions. Ajoute à cela la représentation de chaque soir et souvent les matinées supplémentaires. À minuit nous étions vannés et ne pensions qu’à dormir.

— Ce n’était quand même plus toi qui conduisait le cheval de ta caravane jusqu’à la gare ?

— Tu es fou ! J’étais devenu un artiste.

— Et les montages et démontages ?

— Parfois j’y apportais mon aide pour ne pas perdre une bonne habitude…

— Le matin tu pouvais quand même te reposer ?

— Je continuais mes leçons de musique avec Wontz.

— Ça se passait bien, avec lui, dans votre caravane ?

— Un type sensationnel, ce chef d’orchestre ! Grâce à lui je faisais d’une pierre deux coups : il me donnait ses leçons en anglais !… Enfin, nous nous sommes installés pour deux semaines à Aix-la-Chapelle, ville dont je conserverai toujours un souvenir ému parce que trois événements fantastiques s’y sont passés pour moi.

— Raconte vite

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